
I – Jeanne…
Pour les membres des Golden Oldies Multihulls (GOM) dont je fais partie, le foiler Charles Heidsieck IV n’existe plus : sacrée Jeanne !
Flash-back, le 16 septembre 2004 la tempête tropicale Jeanne devient un cyclone de catégorie 3 (178 à 210 km/h) et atteint Saint-Domingue détruisant à jamais de nombreux géants nés dans les années 80. La république Dominicaine était devenue la maison de retraite des grands multicoques français, embarquant des grappes de touristes abreuvés de cocktails.
Jeanne fait donc du « petit bois » de Charles Heidsieck IV (…), Fleury Michon VII, Sofati Soconav Québec, Charente Maritime II…. Même si pour ce dernier rien n’est moins sûr…
Oui mais voilà, depuis plusieurs mois une info. lue dans la Newsletter GOM me poursuit (N° 42 de nov. 2017). Dans cette lettre d’information que nous concocte avec passion Philippe Echelle, Marc Fazilleau (ex propriétaire du trimaran ROYALE), nous informait de la présence de l’ex RMO et potentiellement de Charles Heidseick IV dans le rio Cumasaya. Vendredi dernier, j’ai enfin pris le temps de vérifier cette info. Elle restait coincée dans mon cerveau il fallait que je la déloge.
II – Rio Cumasaya
Google Maps ne connaissant pas « Rio Cumasaya », j’ai démarré une recherche avec seulement « Cumasaya » et je suis tombé sur un commentaire de Forum sur un hôtel du même nom. De fil en aiguille, je suis retourné sur Google Map et après quelques glissements de souris et de zooms est apparue l’image ci-dessous ! Une photo qui rappellera des souvenirs à Sylvain, Gilles, Olivier, Jean Philippe… qui ont navigués sur ce bateau à Marseille, St Martin… et qui avaient réagi sur Foilers après la mise en place du « Jeu N°9 » dédié à ce bateau.

Ce type de recherches est presque un passetemps au sein des GOM ! Un de nos membres, Bruno Fehrenbach, a lancé la mode en 2007 en découvrant sur Google Earth le trimaran Gordano Goose dans une décharge de Minorque. Avec une équipe de warriors, ils ont sauvé cette merveille des griffes d’un bulldozer ! S’en ait suivi un épique retour en France et une longue remise en état, le bateau navigue aujourd’hui en méditerranée…
Tout content de ma trouvaille, mais un peu sceptique, j’ai transmis la position (18°25’14.9″N 69°05’03.4″W) à un petit noyau d’adhérent. Hervé, propriétaire du très beau plan Newick NADA, a poussé les recherches plus loin. Alors que je demandais s’il manquait un « bout », Hervé a trouvé une autre vue qui le montre complet.

Il a aussi vérifié que la bête était toujours dans le rio le 01/01/2019 grâce à Landsat 1 & 2. Idée judicieuse, il fallait y penser !!!
Enfin, il a trouvé une vidéo réalisée par Kimberly & John-Michael (OurLifeAquaticPuraVida) dont voici une impression d’écran (elle sautait aux yeux sur la page de recherche, je suis passé à côté).

La bête est bien là, en triste état. Ses foils en V semblent avoir été remplacés par des dérives droites. Il n’est pas mort mais n’est pas loin de l’être. Comment expliquer qu’il n’ait pas été détruit en 2004 ? Mystère. Il a peut-être subi des dégâts en 2004, puis aurait été remis en état, ce qui expliquerait les dérives droites … ?
Qui aujourd’hui pourrait mettre de l’argent dans ce bateau qui esthétiquement en a fait rêver plus d’un mais qui est mal né ? S’il est là, c’est qu’il n’est plus rentable et il a sûrement été pillé. Un jour il partira à la dérive, ou coulera… Mais j’aimerai avoir tort.
III – La bête
Le concept
Sur le papier en 1984, c’était la « bête ultime », un bateau qui devait être semi-sustenté grâce à :
- De grands foils en V
- Un foil en V inversé monté sur la dérive (idem Ultimes d’aujourd’hui)
- Une poutre très large au profil d’aile devant générer un effet de sol. Mais déjà lors de la mise à l’eau pour certains la distance mer/poutre, la surface accidentée de la mer et la vitesse de l’engin… ne pouvait pas générer cet effet.
- Un mat aile inclinable de 20°
- Des voiles gonflables. Une double enveloppe raidie par des lattes avec une écope en tête pour gonfler naturellement la voile avec la vitesse.
- Une coque centrale large devant permettre de partir au planning…
Mais alors qu’il fallait qu’il soit léger, il était lourd. Prévu pour peser 13.2 tonnes, il en faisait 5 de plus lors de sa mise à l’eau et devait approcher les 20 tonnes en fonctionnement. La faute à qui ? Certains ont parlé d’une mauvaise gestion de la construction, d’autres de plans insuffisamment précis…
Plus d’information sur le concept sur le site de Gilles Vaton. Et pour découvrir, ou redécouvrir, les dessins et photos parus dans la presse depuis 1984, le site Histoire des Halfs.
Charles Heidsieck IV lors de sa mise à l’eau
- Longueur : 25,80 m
- Architecte : Gilles Vaton
- Longueur flotteurs : 10.50 m
- Largeur : 25.91 m
- Poids : 18.00 t (?)
- Hauteur du mât : 31 m
- Corde du mât : 1.50 m
- Tirant d’eau : 4 m
- Matériaux : verre polyester/sandwich Normex
- Surface de voile au près : 346 m²
- Surface de voile au portant : 796 m²
Petit résumé de sa vie
- 1984 : Fin de construction dans le chantier Multiplast (alors basé à Carquefou) et mise à l’eau en juillet.

- 1984 : 4 août, première sortie sous voile

- 1984 : Grand prix de la Rochelle abandon drisse cassée
- 1984 : Multicup à la Baule
- 1984 : La Baule/Brest
- 1984 : Semaine de vitesse de Brest

- 1984 : Décembre, démâte en se rendant au départ de la Route de la Découverte. Le bateau est ramené à Brest, exit le mât aile et les voiles gonflables, il est équipé d’un mat alu.

- 1985 : Mois d’aout, il prend le départ du Tour de l’Europe mais est victime de nombreux soucis de gréement, safrans et structure et abandonne.
- 1985 : Septembre, le sponsor et le skipper jettent l’éponge.
- 1986 : En juillet, une vente aux enchères est organisée à La trinité sur mer mais le bateau n’est pas vendu.
- 1986 : Il fait un cours séjour chez CdK : remplacement de l’arrière des carénages de bras par des toiles, suppressions du foil sous la quille… Le bateau large de 26 m est devant la cale, pour sortir 2 Formule 40, CdK les fait passer sous les bras, entre les foils et la coque !
- 1987 : Porte le nom d’Axial et navigue à la journée à partir de Saint Tropez et passe l’hiver aux Antilles. Sylvain Jouanno a mis en ligne quelques images de la traversée Marseille/Les Saintes.

- 1992 : Il revient à Marseille, le propriétaire à l’époque aurait eu des problèmes fiscaux…
- ……..
- 1998 : Il porte de nouveau le nom de Charles Heidsieck à Saint Domingue et fait des sorties à la journée.

- ……..
- 2004 : Il est, pour beaucoup, porté disparu mais est en fait toujours à Saint Domingue !
- ……..
- 2018 : César Carré édite un petit livre sur la traversée de l’Atlantique 1987. « Atlantique 87 » éditions IM2 arha (auteur : Caïus de Meurdrac).
Maquettes
La très belle maquette qui était souvent présentée dans des articles à du faire naitre des vocations de modéliste (de quoi ?). Ce n’est pas Phil de B qui me contredira. Voici deux exemples.
L’originale

Une maquette vendue sur Ebay il y a quelques mois à 380 € !
La maquette réalisée par Erwin Dörzapf